jeudi 19 février 2009

Réflexions sur l'hiver

L'hiver tire à sa fin, mais lors de mes longues promenades dans les bois me viennent des réflexions que je voudrais vous partager.

La plupart des arbres de nos régions, ceux à feuilles caduques, ont laissé tomber leurs feuilles. Si nous ne savions pas ce qui se passe en réalité, nous pourrions penser qu'ils sont morts, que c'est la fin pour eux.


Dehors, les écureuils courent ici et là pour ramasser activement des noisettes afin de les enfouir dans la terre ou dans le creux des arbres, pour survivre pendant l’hiver. De la même façon, il n'y a pas si longtemps, nos ancêtres devaient se demander : « Avons-nous assez de ressources pour passer l’hiver en toute sécurité ? Avons-nous récolté et stocké assez de provisions pour traverser tout l’hiver ? » Ceux qui avaient des surplus étaient invités à les offrir à leurs proches et aux plus nécessiteux. En hiver, au moment de Noël, nous avons gardé l’habitude d’offrir des cadeaux à nos proches, à nos amis, éventuellement à nos relations professionnelles.

Ainsi l’hiver nous permet de nous poser des questions – et éventuellement de trouver des réponses – au sujet de qui nous sommes, de pourquoi nous sommes ici sur cette terre, et quels cadeaux nous apportons. Nous trouvons le moyen d’apporter nos cadeaux à la communauté à laquelle nous appartenons, de sorte que ceux qui nous sont proches puissent être soutenus dans le froid de l'hiver. L'hiver est un moment de conservation et de réapprovisionnement, un moment où l’on peut ramasser son énergie. Les arbres ont transféré à leurs réserves profondes l’énergie contenue dans leurs feuilles jusqu'à leur tronc et leurs racines. En hiver, la vie est intérieure et souterraine.

Ne vous est-il jamais arrivé de faire échouer un projet en en parlant trop tôt, ou en commençant par agir avant d’être vraiment clair sur ce que vous vouliez faire exactement ? L'hiver est vraiment le bon moment pour se permettre de rêver sans entrer dans l’action immédiate. C’est le moment pour laisser vaguer son imagination, pour prendre simplement plaisir à imaginer ce qui pourrait arriver, sans s’obliger à considérer les contraintes ou à obtenir des résultats immédiats et chiffrés !


N’êtes-vous jamais sorti un matin après une lourde chute de neige, et éprouvé cette tranquillité de l'hiver, où tous les bruits sont amortis ? L'hiver est profondément une période d’écoute – écoute de nous-mêmes, écoute de l’autre, écoute du silence. C'est une période où nous pouvons nous donner la permission de ne pas savoir, de laisser courir des possibilités ouvertes et non résolues. En hiver, nous sommes naturellement appelés à l’être plutôt qu’à l’avoir. Il est plus facile de voir l'essence des choses pendant l’hiver. Les arbres ne sont plus protégés par leurs feuilles, et donc nous pouvons voir leur structure fondamentale (ici, c'est un chêne qui se révèle).


De la même manière, l’hiver peut être un moment où nous pouvons voir plus clairement notre vraie nature au fond de nous-même.

Les plantes se reposent en hiver, rassemblant leurs forces de façon à pouvoir redémarrer au printemps. Savez-vous que beaucoup de graines de nos climats demandent du froid pour pouvoir germer ? C’est ce qu’on appelle le phénomène de vernalisation : c’est pourquoi, si vous récoltez vous-mêmes les semences de certaines fleurs dans votre jardin, il est recommandé de les conserver au frigo pendant l’hiver. Eh bien, pour nous-mêmes, c’est un peu la même chose : si nous nous permettons vraiment de reconstituer nos réserves en hiver, nous aurons bien plus de forces pour redémarrer au printemps. Imaginez quelle force il faut à la graine pour faire éclater son enveloppe et pousser dans la terre pour atteindre la lumière du soleil ! Le germe peut buter contre une pierre en poussant vers le haut, mais cela ne l'arrête pas : il trouve simplement le moyen de la contourner. Certaines plantes ont même la force de soulever le goudron de nos routes...

(Ci-dessus, c'est une Euphorbe qui écarte le béton dans une rue)

Alors, comment tout cela s’accorde-t-il avec notre culture, la société dans laquelle nous vivons ? En vérité, pas très bien ! La période d’hiver est l’une des plus actives de l’année, nous n’arrêtons pas de courir entre l’activité professionnelle qui bat son plein, les fêtes de fin d’année, les courses pour les cadeaux, les engagements de toutes sortes à respecter. Dans notre culture, il nous faut être à plein régime 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, cela pendant presque toute l’année (parfois même pendant les vacances, remplies d’activités diverses et variées). Nous sommes constamment invités à faire plus. Le message dominant, c’est que nous devrions être toujours en croissance : devenir plus fort, gagner plus d'argent, avoir plus d'amis, acheter une plus grande maison, acquérir plus de biens, obtenir un meilleur travail...

Mais, comme le dit la sagesse chinoise, la nature nous prouve que ce qui est plein sera vide un jour. Ce qui monte doit descendre. Un objet exposé à une forte lumière projette une ombre dense. Ainsi, chacun de nous doit faire face à des périodes sombres, à l’intérieur de lui-même comme à l’extérieur, comme il a aussi des périodes lumineuses.

Notre culture est totalement tournée vers le printemps et l’été - j'en parlerai au moment voulu - et elle ignore l’automne et l’hiver. Puisqu’elle n’est pas raccordée aux cycles de la nature, nous finissons souvent par travailler contre le mouvement normal des saisons. Pendant cette période d’hiver, nous pouvons nous sentir tristes, vides, ou déprimés. Ces sentiments sont pour une part provoqué par notre contexte difficile, notamment cette année avec la crise. Mais nous pouvons dire aussi que, dans une certaine mesure, c’est un processus normal. La douleur et la perte peuvent être de grands enseignants si nous savons seulement ouvrir nos cœurs. C’est un appel à regarder notre vie, à nous poser des questions difficiles : Est-ce que je vis vraiment la vie que je voudrais vivre ? Ou bien est-ce que je me conforme à un modèle de vie édicté par quelqu'un d'autre ? Mes parents, mes proches, les gens de mon milieu social ?

En hiver, nous ne saurons pas forcément répondre à ces questions, mais nous pouvons les poser.

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